L’article explore comment les entrepreneurs peuvent utiliser des tokens fongibles pour financer le développement de leur entreprise. Les ICO reposent sur une promesse implicite qui est que les tokens achetés aujourd’hui prenderont de la valeur car ils seront indispensables demain (rareté anticipée et utilité future). Contrairement aux actions, les tokens nativement ne donnent ni droits de gouvernance ni de droits résiduels sur le futur cashflow.
La tension centrale dans un token design est soit la libération de tous les tokens émis pour maximiser la levée d’argent à court terme soit la maîtrise de l’économie du token dans le temps par une garde des tokens par l’entrepreneur. La proposition de conciliation soit par le vesting ou libération progressive des tokens et/ou par l’allocation différenciée avec une réserve stratégique.
Le taux de croissance de la masse monétaire est un élément important de l’article. Si les détenteurs anticipent que le token va prendre de la valeur, c’est-à-dire que la demande croît plus vite que l’offre, alors il a intérêt à épargner. A l’inverse, si l’offre de jetons croît trop vite, le token perd de la valeur donc les détenteurs ont intérêt à les dépenser immédiatement.
Lors d’une ICO, les investisseurs doivent faire deux paris. Le premier pari sur la demande future : combien de personnes utiliseront le service ou le produit développé par l’entreprise et donc voudront du token pour l’acheter ? Le deuxième pari sur la politique monétaire de l’entreprise : le projet s’engage-t-il à ne pas inonder le marché de nouveaux tokens ? Quand la politique monétaire n’est pas favorable l’ICO permet seulement de lever des fonds pour l’utilité immédiate du tokens.
Une start-up doit choisir entre :
- Maximiser la levée initiale en adoptant une politique monétaire stricte c’est-à-dire sans croissance monétaire future (rareté de l’offre)
- Garder de la flexibilité pour plus tard en permettant une croissance de l’offre de tokens
Dans ces deux choix possibles, le storytelling de croissance future devient un levier de financement puisqu’elle va inciter à l’épargne du token chez les détenteurs. La réussite d’une ICO repose sur la demande future pour le produit/service et de la crédibilité de la politique monétaire.
Christian Catalini et Joshua S. Gans, nous proposent une comparaison entre le financement par equity et le financement par ICO. Selon eux, à condition que l’ICO soit faisable, le financement par ICO et le financement traditionnel par actions offrent le même rendement espéré à l’entrepreneur mais l’ICO peut échouer même avec un business model rentable. Malgré tout, le financement par tokens peut avoir plusieurs autres intérêts comme la création d’une communauté, une gouvernance décentralisée ou encore d’être plus liquide que des transferts d’actions.
Catalini et Gans se questionnent également sur ce qui peut se passer quand les tokens ne servent pas uniquement à acheter les produits de la venture mais à payer aussi des services de fournisseurs tiers ? La stratégie optimale pour l’entreprise c’est de maximiser le nombre de fournisseurs tiers qui participent. Pour cela, le projet doit réduire la barrière à l’entrée et donc ne pas prélever de commission. La conséquence est que l’entreprise n’a pas de revenu direct mais c’est bénéfique à l’ICO car plus l’écosystème est large plus la demande de tokens augmente.
Les auteurs mettent en lumière un problème fondamental à propos de la crédibilité des engagements. L’hypothèse idéale d’une ICO est la suivante :
- L’entreprise acceptera uniquement ses propres tokens
- L’entreprise respectera le planning de sa politique de croissance monétaire
Mais dans la réalité, c’est difficile de garantir ces deux points. La crédibilité de l’engagement monétaire est centrale pour le succès d’une ICO au risque de détruire la crédibilité du token.
A travers l’article quelques solutions sont évoqués pour instaurer de la crédibilité :
- Une supply max comme le BTC
- Un mécanisme de burn de token
- Des contraintes de gouvernances fortes pour empêcher des changements unilatéraux de politique monétaire
Mais alors pourquoi l’exclusivité du token comme moyen de paiement est primordiale dans le modèle ? La valeur principale du token repose sur son utilité. Si le token est nescessaire pour accéder aux produits ou aux services de l’entreprise alors les consommateurs et investisseurs lui attribuent de la valeur. Sans engagement sur l’exclusivité du token comme moyen de paiement le projet peut détruire la valeur du token en acceptant d’autres formes de paiement. Le résultat est que les consommateurs n’ont plus besoin de tokens pour le service. La demande pour le tokens chute car son rôle économique est affaibli.
Les auteurs introduisent la notion de coût opérationnel et de son impact sur la tokenomy. Le financement par tokens contrairement au financement traditionnel crée une asymétrie dangereuse :
- Les détenteurs du token reçoivent la valeur crée (par valorisation du token dans le temps)
- Le projet supporte les coûts
Christian Catalini et Joshua S. Gans affirment qu’un projet avec des coûts de développement & opérationnel et sans cash au départ ne peut pas à la fois :
- Lever des fonds uniquement via des tokens
- Promettre un pricing équitable
- Payer ses coûts d’exploitation dans le futur
Cette affirmation explique pourquoi les jetons qui sont purement utilitaires sans mécanisme ou droit additionnel réussissent rarement s’il y a des coûts opérationnels.
L’article mets en avant trois pistes de solution :
- Le Token Vesting
Le vesting permet de s’assurer que le projet se soucie de la valeur du token sur le long terme. Plus le vesting est important meilleur sera la crédibilité d’engagement sur le long terme toutefois cela réduit le montant de tokens disponible pour l’ICO (donc moins de fonds levés). Les auteurs expliquent que les projets à faible marge et/ou avec beaucoup de coûts fixes ont intérêt à montrer leur sérieux en ayant un vesting fort. A l’inverse, les projets à forte croissance, faible coût marginal ou très viraux peuvent se permettre un vesting plus souple car les tokens s’apprécieront avec l’adoption.
- Le Multi Stage Offering
L’ICO par Multi stage offering doit permettre au projet de lever assez lors de la première étape pour développer une base solide et les tokens restants pour les étapes ultérieures doivent permettre de couvrir les coûts futurs. Les avantages du Multi Stage Offering permet d’avoir une vente différée de tokens évitant de tout monétiser au même taux de change, de garder une flexibilité stratégique et d’avoir des levées de fonds correspondant à des livrables. Pour les investisseurs cela permet comme le vesting à ce que l’entreprise soit incité à ce que le projet réussisse.
- Le Pre-Committed Buybacks (le rachat de tokens)
Le Buybacks implique de s’engager à racheter des jetons en utilisant les revenus opérationnels, créant ainsi un mécanisme d’engagement dynamique. Le rachat peut avoir un effet de soutien de prix par la raréfaction de l’offre. Par contre, le mécanisme de rachat s’accompagne de limitations : les rachats réduisent le flux de trésorerie opérationnel, peuvent entrer en conflit avec les investissements de croissance et nécessitent une génération de revenus robuste pour être efficaces.
Conclusion de l’article
En résumé, les solutions sont préconisées de la manière suivante :
- Vesting : complexité opérationnelle la plus faible mais exige l’engagement initial le plus important
- Pour les fondateurs patients
- Les prévisions de croissance sont solides
- Le capital nécessaire n’est pas trop important (modéré)
- Multi-stage offering : offre un équilibre entre flexibilité et engagement mais introduit des risques d’execution
- Fit bien avec les projets complexes avec des développements en plusieurs phases
- Pour les projets qui ont un marché de moins en moins incertain
- Buybacks : offre une flexibilité opérationnelle maximale mais dépendent de manière critique de la capacité à générer du revenu
- Flexibilité opérationnelle cruciale
- Revenue prédictible
- Bonne compréhension des exigences opérationnelles
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